[i549]
DE LA VILLE DE PARIS.
171
Toul homme de bon jugement peult congnoistre que les deux dernier.; vers sont à la louenge du Roy Henry, triumphateur, de qui l'esperance est plus grande que l'on ne la sauroit escripre.
Le berceau de cent avant portail estoit partout enrichi de grosses poinctes dc diamant fainctes, qu'il faisoit merveilleusement bon veoir et ses flancs re­parez d'escussons au), armes du Roy etde la Royne, environnez de chapp îaulx de triumphe qui avoient bien fort bonne grace.
Au fons de ce berceau et droictement sur l'entrée de la Ville y avoit ung autre tableau de mesmes façon et leclreque le precedant, où ces motz estoient escriptz :
ingnedere et magnc's aderit jam tempus honores
Aggredf.re.
Le Roy avec sa tn.s noble compaignée passa par dessoubz ce berseau, non sans avoir receu contente­ment du mot des quai re estatz, du quatrin d'Hercules et des vers latins adressans à Sa Majesté Royalle. Puis se trouvant en i.ng pourpris quarré hipethrique ou à descouvert, enl re les deux portes de la Ville, dont les costez estoient tenduz de riche tappisserye, les musiciens à ce depputez luy feirent oyr une trop plus douice armonye que n'avoit esté le bruyt des canons ordonnez su: les rampars, et ce pendant Sad. Majesté avec toute sa suitte entra dedans la Ville, au plus bel ordre et triumphant arroy que l'on sauroit ymaginer.
Toutesfoys, il ne fault obmeclre que les quatre Kschevins de la Vill 3, en toute humilité et reve­rence, levèrent sur la teste de Sa Majesté ung riche ciel de parement, dont le fons et les quatre penthes doubles estoient de velours azuré, tout semé de fleurs de lys de fil d'or traict à franges de mesmes, ennobly des armes, chiffres et devise d'icelle sacrée Majesté, le tout faict de la plus excelente broderye que oncques on en vîist en Phrigie. Et n'estoit pas jusques aux manipull 3s, soustenans les quatre coings du carré de ce poésie, qui ne feussent tous recouvers de pareil velours et Heurs de lys.
Ceulz qui portent le ciel.
Les quatre Eschev ns donc à pied, les testes nues, ie porterent sur le cief de Sa Majesté, depuis lad. porte Sainct Denis jesques devant l'eglise de la Tri-
nité, où le receurent de.leurs mains les quatre gardes de la Drapperie de Paris, secondz en ordre, pour en faire autant que les premiers jusques devant l'eglise Sainct Leu Sainct Gilles, où ilz s'en déli­vrèrent aux maistres Espiciers qui le porterent jusques à Sainct Inocent, et là les Merciers le receurent qui en feirent leur devoir jusques devant Saincte Opportune, où ilz le consignèrent aux Pelletiers, les­quelz s'en acquicterent jusques devant le Chastelet, que l'on dit l'apport de Paris (-), ou les Bonnetiers le vindrent prandre pour le porter à Sainct Denis de la Chartre; et là le rendirent aux Orfèvres qui en cou­vrirent Sad. Majesté sans discontinuer jusques à Nostre Dame; mesmes, à son yssue, le reprindrent encores et en eurent la charge jusques au Palais, où les laquaiz du Roy le despartircut entre eulx.
Or pour rentrer en matiere, passant le Roy par devant la fontaine du Ponceau, où il veist ung autre spectacle veritablement singulier :
C'estoient trois Fortunes de relief, beaucoup plus grandes que le naturel, la premiere d'or, la seconde d'argent et la tierce de plomb, assises soubz ung Ju­piter de dix piedz en haulteur, planté sur ung glob'd celeste, tenant son bras droict contremont et manyant son fouldre sur la paulme de sa main en contenance gratieuse, mais ce nonobstant redoubtable, tenant en sa gaulche son sceptre pour demonstrer la qua-drnplicité de sa puissance qui s'estand sur le ciel, la mer, la terre et les abismes.
Ceste premiere Fortune representoit celle du Roy et du Royaulme, à raison de quoy tout exprès luy fut baillé un gouvernail en sa main droicte, pour donner à entendre que tout demeure soubz son gou­vernement. De son bras gaulche elle ambrassoil une Corne d'abondance, la gueulle tournée contrebas, d'où sortoit pluye d'or, signiffiant que toute manieres de richesses sont en la Majesté Royalle.
La seconde estoit celle des Nobles, armée en Ama­zone, tenantune targue en sa senestre et de sa droicte faisant monstre de tirer son espée hors du fourreau, pour donner à congnoistre qu'elle estoit tousjours appareillée pour offendre ou deffendre, ainsi que le bon plaisir du Roy, gouverné par raison, est dc le commander.
La tierce denottoit celle du Peuple et tenoit sa
(■) LV apport- signifiait à cette époque un lieu d'assemblée ou de marché, où l'on apportait les marchandises, ll y avait à Paris deux apports, l'apport Baudoyer, près de Saint-Gervais, et l'apport de Paris, au gran 1 Châtelet. Par corruption l'on en a fait la porte Bau­doyer et la porte de Paris. C'est donc à tort que ce mot apport a été corrigé précédemment (p. 85, note 2 de ce volume) et remplacé par le mot porte.